dimanche 29 décembre 2013

Le feu et la cendre

Dans un champ, un jour de décembre 2006, un grand feu de branchages faisait danser et se tordre les platanes de l'autre côté de la route; une vive chaleur émanait de ce brasier, de quoi réchauffer 
cette avant veille de Noël en demi teintes.





Ce jour là, je commis un sacrilège dont je me repens aujourd'hui.
Aux portes de ma nouvelle vie, j'ai été prise d'une frénésie de rangement qui conférait à l'élimination systématique..
Et dans ce feu, froide et déterminée, j'ai lancé tous mes écrits d'adolescente, c'est à dire mon journal intime.
Il y avait des centaines de pages couvertes d'une fine écriture penchée, à l'encre violette puis verte, à la plume pour bon nombre d'entr'elles, et agrémentées de quelques dessins.
Une liasse épaisse et jamais relue.
Elle reposait dans un coffret en métal bleu, nanti d'une serrure et d'une petite clef et dormait dans une armoire depuis plus de 30 ans.




Les flammes ont dévoré mon passé. 
Plus tard, je l'ai beaucoup regretté.
On ne devrait jamais agir avec impulsivité...
J'ai regardé avec une joie féroce se tordre et se consumer ces pans entiers de ma vie; c'était comme ma jeunesse que je brûlais...
Non contente de brûler mes écrits, j'ai aussi mis le feu à près de trente ans de souvenirs de voyages et autres sorties, sous forme de tickets collés dans des cahiers d'écolier : notes de restaurant, tickets d'entrée à différents spectacles, passage sur les ferries, voyages au long cours en Europe du Nord, de l'est, du sud, Maroc, Turquie, tous effectués en véhicule depuis l'ancestrale 2 CV.

Brûlés sans états d'âme eux aussi; je les regrette depuis.

Il est resté un cahier rescapé, je ne sais par quel miracle...



Celui ci parle de l'Exposition Universelle de Séville en 1992.

Aujourd'hui, quand me prennent des envies de rangement effréné, je réfléchis bien avant d'entreprendre le chemin du brasier !


Et encore, heureusement que je n'ai pas brûlé tout ce que je souhaitais, car je crois que je n'aurais plus aucun passé; il me reste des dizaines de milliers de photos papier qui ont bien failli prendre le même chemin !

Quelle sotte ai-je été!

mercredi 25 décembre 2013

Balsac et Balzac

Dans mon périple Aveyronais d'avant Noël, je ne pouvais passer près de Balsac sans m'y arrêter.
Certes il manquait un Z et un S s'y était substitué, ce n'était pas du même dont il s'agissait mais j'était très honorée de faire escale à Balsac. Balsac ne parut pas particulièrement honoré de ma présence en ses murs mais cela ne m'importait guère.
Après le ruissellement de lumières de la cathédrale de Rodez, j'arrivai à la noire nuit dans un village aux contours noyés dans la lueur des phares mais l'église, posée comme un îlot sur une place immense me séduisit aussitôt.
Elle ruisselait de lumière blonde sauf son porche, nanti d'une crèche noyée de bleu sous des cieux noirs et d'un grand Père Noël facétieux auquel un enfant tout aussi facétieux alla tirer la barbe, ce qui fit crier, vitupérer, vociférer ce rougeoyant personnage à barbe blanche.


L'enfant disparut au grand galop sur l'immensité de la place suivi par son père tout aussi vociférant que le père Noël et s'évanouit dans la nuit, ramenant un soudain silence que plus rien ne devait troubler en  cette nuit d'hiver.


De mon lit, je voyais ce tableau coloré , ponctué toutes les demi heures par la cloche de l'église qui, si elle donnait l'heure à écouter, ne semblait pas s'entendre avec son voisin clocher qui avait perdu une aiguille au fil du temps, l'autre aiguille n'en faisant qu'à sa tête et ne suivant en aucun cas ni les heures ni les minutes, ayant perdu la tête dans une folle et illogique sarabande.

Donc Balsac était un peu fou dans ce soir d'hiver.

Bien sûr je savais que Balzac Honoré (qui avait fini par ajouter une particule à son nom dans sa jeune existence) n'avait rien à voir avec ce Balsac-là.

Né à Tours en 1799 et mort à Paris en 1850 à 51 ans, ce fut un sacré personnage.
Je peux difficilement lire Balzac bien que ses ouvrages soient passionnants, une succulente peinture humaine et sociale parce que Balzac m'épuise !
Et oui, j'ai l'impression d'être au théâtre avec un va et vient perpétuel de personnages qu'on s'évertue à suivre et qui finissent par échapper, dans un tourbillon d'actions qui virevoltent et donnent le tournis : ah! on ne s'ennuie pas avec Balzac, et on ne s'y endort pas.

Il faut dire que ce sacré personnage avait une vitalité d'enfer: il fréquentait la société pour mieux la dépeindre, se cultivait intensément, aimait la bonne chère, dévorait la vie de toutes les façons et écrivait debout, 17 heures par jour, debout pour ne pas sombrer. Sombrer dans l'épuisement mais aussi sombrer socialement car il était couvert de dettes et travaillait sans relâche pour gagner de quoi rembourser...et contracter aussitôt de nouvelles dettes puisqu'il dépensait plus qu'il ne gagnaitt.
Fascinant personnage mort d'épuisement, en somme.

A Balsac, je ne trouve que le repos, je lis mais pas du Balzac, j'écris et je dessine sans quitter mon lit l'église qui me fait face, ainsi qu'une grande croix auprès de laquelle j'ai posé mon bivouac.
Et au matin, je pars à la découverte.
Des 586 habitants, je n'en verrai même pas une demi douzaine, mais dans ces villages là, on peut encore gratifier les habitants d'un aimable "Bonjour", sans avoir l'air d'un extra terrestre.
Le village est bâti en solides maisons aveyronnaises, en pierre avec de belles ouvertures dont on se demande, pour certaines, si elles n'ont pas été empruntées au château détruit en 1570 par un incendie. Et reconstruit plus tard bien sûr. Joliment restauré, même.







Je ne quitterai pas Balsac sans vous parler d'un des textes de Balzac que je préfère : "La vieille fille"
Ce petit roman de 140 pages (en livre de poche), écrit en 1836, raconte l'histoire d'une vieille fille de 40 ans (l'âge de Balzac quand il écrivit ce texte), vivant  à Alençon, dans l'Orne, qui, travaillée par l'appétit de son corps, n'eut de cesse de trouver un mari qui s'intéressât à son corps et non à sa fortune.
Un récit succulent, un portrait irrésistible de cette Rose Cormon dont voici un extrait:


La vieille fille trouva deux prétendants à force d'opiniâtreté, elle en choisit un, mais...je ne déflorerai pas l'histoire...je vous assure juste que la fin vaut bien qu'on se régale pendant 140 pages !!!

Quant à moi, je quitte Balsac après ces réminiscences pour une belle balade aveyronnaise, en compagnie de Lison, que je vous conterai dans mon autre blog.

vendredi 13 décembre 2013

Lettres à Vous

         Vous souvenez vous de ces lettres que je vous écrivais autrefois ?
La première, vous en souvient-il , était écrite à l’encre verte, d’une fine écriture penchée,
Sur une page d’agenda délavée. Je l’écrivis en vous attendant, juste avant que nous nous aimions pour la première fois. Je vous la donnai juste après, alors que nous allions nous rafraîchir à la terrasse d’un café. Il faisait beau et très chaud, ce jour là, ce jour d’un printemps tout neuf. Une photo prise par moi vous montre en train de lire cette lettre, sérieux derrière vos lunettes, attentif à mes mots. Car vous les aimiez mes mots !
         Mes mots s’envolaient, virevoltaient, s’affûtaient, s’enroulaient, se lovaient, s’étiraient, se déchiraient, se fondaient…Ils étaient chants, musiques et danses, ils étaient vents, rivières et marées. Ils étaient pour vous, ils étaient à vous, un instant, le temps que vous les possédiez.

          Jamais plus je n’ai écrit ainsi…

Vous en ai-je écrit, des lettres, que je vous ai données ou non, lues par vous ou ignorées.
Vous les aimiez. Je n’eus jamais le bonheur de vous lire, sinon par poète interposé.
Vous receviez mes mots parce que je vous aimais et que vous m’aimiez. 
Plus tard, lorsque j’admis que vous ne m’aimiez plus, je ne vous offris plus à lire mes lettres ; elles dorment dans leur cachette, trésors intacts et surannés, reliques endormies et démodées.

                         




dimanche 1 décembre 2013

Cévennes

Cévennes

Il faut vraiment aimer les Cévennes pour venir  se perdre dans ces vallées où le soleil n'entre qu'avec circonspection et la mouillure sans hésitation. 

Autrefois, je n'aimais pas les Cévennes. Trop sombres, trop austères, trop encaissées. Une végétation trop épaisse, des pentes trop raides. Des chênes, des châtaigniers...Les goûts changent. Ou évoluent. Aujourd'hui, à mon âge, les Cévennes me vont; on y devine une puissance de vie profondément ancrée, celle de la vie passée. Mais aussi la vie présente pour ceux qui y vivent, encore. Un berger et ses moutons, cet homme qui, près de moi, sans me voir, ratisse son jardin et brûle les feuilles en un joli feu d'automne.










La vallée est dite Borgne; pourquoi? Les eaux sont vertes et transparentes, comme celles de la Vis. Des yeux clairs.



Leur souffle et leur musique sont identiques; la lumière et le soleil inondent les lieux paisibles comme une jolie carte postale. Dans les rares villages ou sur les pentes, les maisons sont hautes, austères et froides comme les vieux cévenols d'antan. Toutes fermées; la vie, autrefois, le silence aujourd'hui...Je roule dans un paysage  grandiose…


Dans les Cévennes,


Il y a des lumières blondes et des fumées brillantes
Des éclats métalliques et des rais de vapeur bleutée.
Il y a des trous d'ombre et des puits de lumière
Des terrasses abandonnées et des murettes parfaites


Des demeures forteresse et des ponts arrondis









Des châtaigniers à perte de vue sur des coussins de feuilles



Des moutons sonnants et trébuchants au long des routes et dans les bois
Des rivières glacées et des débris enchevêtrés
Des arbres arrachés et des arbres dénudés
Des routes en corniche et en lacets
Et puis...il n'y a personne nulle part; la solitude au long des routes, dans les bois ou dans les bars.

Les Cévennes se meurent.

Malgré tout,

Les Cévennes redressent la tête vaille que vaille



Ecrit à Pont de Saumane le 26 novembre 2011






jeudi 14 novembre 2013

J'ai lu..."Ecrire la vie" par Annie Ernaux

J'ai découvert Annie Ernaux, en novembre 1984. Elle venait d'obtenir le Renaudot pour son livre « La place », un livre autobiographique écrit bien après le décès de son père; si ce récit est consacré à son père, il met aussi à jour « l'héritage culturel des dominés qu'elle a du oublier pour monter dans l'échelle sociale ». Elle en était alors à son 3 ème ouvrage. Plus tard j'ai lu « Passion simple », véritable dissection d'une passion et « Se perdre » qui reprend autrement ce thème. Annie Ernaux n'écrit que son vécu. Dans un style qui m'a souvent désorientée, voire déplu: une sorte de sécheresse journalistique, voire un véritable listing, comme pour prendre de la distance.



J'ai acheté 29 ans plus tard un volume de 1085 pages, intitulé « Ecrire la vie ».


Cet ouvrage commence par 100 pages de textes extraits de ses journaux intimes et des photos: on fait connaissance avec l'écrivain et c'est très bien. Ensuite, en douze textes, les récits et articles de journaux écrits par l'auteur sont regroupés dans l'ouvrage mais pas de façon chronologique: ainsi chacun peut commencer où il veut et selon son gré.


On découvre une femme qui livre son vécu même le plus intime, une grande réflexion sur la vie, les choses importantes comme les petits riens, dont elle s 'interroge pourquoi tel fait et non tel autre a attiré son attention, une réflexion sur sa famille, ses parents, ses relations, ses amours etc et on voit comment toute sa vie a été conditionnée par son enfance, son milieu et comment elle a vécu le changement de milieu puisqu'elle évolue dans d'autres sphères; dilemme parfois, mal être, les pieds dans un monde, le coeur dans un autre.
Un long parcours riche . Une interrogation permanente sur l'écriture, qui m'a particulièrement intéressée.
J'ai fini par m'habituer au style et même par l'apprécier: j'ai lu les 1085 pages.
Je vous invite à découvrir un écrivain, certes, mais surtout, une femme, tout simplement.



Je lis beaucoup, malgré toutes mes activités; je ne peux vous suggérer tout ce que je lis; je choisis un auteur et je lis plusieurs livres de lui pour bien m'imprégner.
En ce moment je relis Herbjorg Wassmo, une auteur norvégienne des Iles Lofoten, parce que j'ai trouvé son dernier livre paru: "Cent ans" et je ne peux pas ne pas vous le faire partager...

Alors, à bientôt...

lundi 4 novembre 2013

Les yeux

En lisant mon billet sur "Petit cimetière du grand sud" (clic)
mon amie Jackie m'a offert ce poème que je ne peux garder pour moi seule.
Alors, je vous l'offre, à mon tour.

                       
Les yeux


 Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore…

les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre:
les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre

Oh! qu'ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n'est pas possible!
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible

Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leur couchant
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.

                                            Sully Prudhomme

dimanche 3 novembre 2013

Attente







Attente…

Immensité, d'abord, désolation, impuissance...
Tous ces jours, ces heures, ces nuits, à tuer, à meubler, un vide désespérant, parcimonieusement rempli, laborieusement occupé et, comme par hasard, soudain vidé jusqu’à la désespérance.
Attente…
Que faire de cette longue plage stérile qui gît devant soi ?
Que faire de ces heures creuses comme des coquillages abandonnés qui résonnent lamentablement des échos des heures pleines ?
Attente…
Que faire de ce soleil soudain trop dur, trop chaud, trop vivant ? Que faire de cette nature qui est comme une insulte ? Que faire de ce temps à passer sinon penser au temps passé ?
Alors voilà que l’attente se meuble, vit, existe. Les souvenirs affluent, les bons, les riches, les vivants, les mauvais, pauvres, stériles, corrosifs. Et l’on s’aperçoit que le vide de l’attente devient un trop plein qui suinte, qui coule, qui déborde.
C’est l’heure des bilans, des douleurs. On refait le chemin à l’envers. On remodèle son passé, en attendant.
Et l’attente se nourrit d’avant l’attente. Comme une plaie qui se débride, on laisse vivre le passé. On le passe à la loupe, on le dissèque, on l’examine ; il se déforme comme devant une vitre à la planéité fluctuante.
L’attente devient le temps des doutes, des regrets, des passions et des rancoeurs.
Les doutes…les rancoeurs…Fidèles compagnons de l’attente.
Douloureux travelling arrière.
Dangereux travelling avant.
Et si demain ne m’apportait plus ce que j’attends ?
Alors l’attente perd de sa superbe, de son arrogance, de sa hâte. On essaie de retenir le temps afin qu’au bout de l’attente ne fût pas une image qui ne répondit pas à ce qu’on attendait d’elle.
Attendre devient un piège, une absurdité, un danger.
On se défend d’attendre mais on attend quand même.
On finit quand même par se tourner vers ce demain.
On le crée, on le remodèle, à l’infini, pour se protéger. On élabore ses stratégies, ses défenses, ses autodéfenses. 
On attend de pied ferme le bout de l’attente.

Mais le pire est de n’avoir rien à attendre….

Jour de pluie
Bages d' Aude (11)











J'ai écrit ce texte il y a très longtemps, un jour de surveillance de brevet des collèges ( en 1994?) sur le papier brouillon de ladite épreuve.
Je l'ai exhumé d'une armoire il y peu de temps et j'ai retrouvé en le lisant cette atmosphère de fin d'année au collège, ce ciel bleu, cette chaleur qui invite à aller s'asseoir sous l'ombrage des platanes de la cour, le silence exceptionnel des salles de classe, le grattement des stylos sur le papier, des soupirs d'adolescents angoissés, le tic tac des montres et cette attente de fin d'épreuve qui m'a inspiré d'un seul jet ce texte.


mardi 29 octobre 2013

J'ai aimé ce livre

La liste de mes envies  par   Grégoire Delacourt




Je n'avais pas particulièrement envie d'acheter - ni de lire -  ce livre devenu un grand succès.
Je me suis décidée et je  l'ai lu, que dis je, savouré, quasi d'une seule traite!

Toutes les femmes devraient lire ce livre, pour découvrir ou retrouver la Jocelyne Guerbette qui sommeille en chacune d'elles.





Tous les hommes devraient  le lire aussi, parce qu'il est écrit par un homme qui s'est mis dans la peau d'une femme, et il y a mis tellement d'amour, dans cette femme, que beaucoup d'hommes pourraient aussi découvrir quelque chose qui sommeille en eux.



Quant à moi, sitôt arrivée à la dernière page, je n'avais qu'une envie, recommencer la lecture pour rester encore sous le charme.

Une bulle de bonheur ! Et une belle leçon....


vendredi 25 octobre 2013

Les mufles ne sont pas....


"Les mufles ne sont pas les fruits du muflier mais ceux du hasard"

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Ce titre en forme de pirouette devait précéder en 2010 la galerie de portraits que je commençais à brosser d'une plume alerte, à l'encre monochrome bien que haute en couleurs.
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Portraits masculins essentiellement mais se dessinait déjà la perception que le genre peut changer au fur et à mesure que se dilate le nombre.
Ils m'étaient inspirés par ma vie d'alors, faite d'observations, de rencontres plus ou moins éphémères, de sympathies naissantes ou agonisantes, de personnages observés en balade, au restaurant, dans mon entourage, bref par le nouveau monde que je découvrais à ce moment là.
Ce monde, observé de plus près, m'avait suggéré ce titre. Il avait la saveur acide des fruits encore verts, trop tôt cueillis, trop tôt goûtés et rejetés car immangeables .
Ces portraits ironiques, sans acrimonie, n'étaient pas des caricatures; je leur donnai le vrai prénom de leur instigateur et s'ils étaient destinés à être exposés, c'était dans les pages d'un exemplaire unique invité à dormir sur l'étagère de mes carnets secrets.
Hélas, une mauvaise manipulation de cet outil diabolique qu'est l'ordinateur les a expédiés dans un magistral "autodafé" au sein de la boite noire nommée PC d'où je ne pourrai jamais les exhumer.
Seule me reste l'introduction que j'avais eu la présence d'esprit d'imprimer.
Il n'est pas dit que je ne me remette pas à peindre -avec les mots- cette galerie somptueusement enrichie depuis lors...

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Bien sûr, je ne publierai pas ce texte d'introduction.
Cela pourrait faire rire mes consoeurs, cela pourrait faire grincer les dents ou gâcher la journée de mes lecteurs hommes (bien qu'aucun n'ait l'air de se balader sur mon blog), cela pourrait...
Alors les mufles resteront sur le muflier du hasard, mon introduction n'introduira aucune humeur dans la journée du lecteur et moi, je reste à mon poste d'observation!
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Pas le plus mauvais rôle avec mes yeux de vigie!








dimanche 20 octobre 2013

Absence





Ce soir, pour la première fois de l'année, l'automne est entré en ma maison. Dehors, c'est douceur, grisaille, crachin, larmes du ciel peu habituelles ici...
Il n’en fallait pas davantage pour fermer la maison, allumer la cheminée et inviter les chats au coin du feu.

Il n’en fallait pas davantage pour mitonner une soupe au lard, redonner vie et parfum à la maison trop souvent morte et délaissée. Parfum du feu, parfum des légumes, parfum de vie.
Jadis, de mes plus profondes détresses, j’ai essayé de m’extirper en cuisinant une soupe de légumes qui redonnait un semblant de vie à la maison.



Je ne suis pas casanière, j’aime le dehors, le jardin, l’air du temps, les montagnes.

Ce premier soir automnal, en ma cuisine, entre la soupe et la cuisson des dernières tomates du jardin, l’absence me saute au visage. Sur la table vide et nue.
L’absence de mes deux chats qui aimaient se restaurer sur la table et assister mes « talents » culinaires. Ils dorment dans la terre du jardin…les autres se restaurent devant le feu.



Alors l’absence s’installe, insidieuse, sournoise, dévastatrice. 
L’absence…Les absences....
Pires que la solitude!
Celle-là, je l'ai apprivoisée, tant bien que mal, avec vaillance et opiniâtreté.


Mais l’absence…
Ceux que j’aimais sont partis. Ils ont déserté ma maison et ma vie.
M’ont laissée seule au bord de la route.
Fauchés par la mort ou emportés par la vie.
Mon père qui dort dans un petit cimetière, dans sa tombe croulant sous la verdure et les fleurs.
Mon père, mon soutien de toute une vie…
Mon fils, parti vers une autre vie dont je suis absente et orpheline.
Mon mari parti vers une autre vie dont je suis absente aussi.
Heureux tous les deux.
Et puis mes chats, mes petits morts. Eux qui m’ont aimée sans faille, sans duperie, sans condition, qui sont enfouis dans la terre du jardin, à qui je parle souvent sous le couvert de la treille.

L’absence dans cette maison devenue trop grande, trop silencieuse, trop vide et à laquelle je préfère la vastitude, le silence et le vide des montagnes ou le cocon douillet de mon petit camion aménagé. Ce petit cocon qui m’emporte dans des montagnes perchées et des vallées isolées où l’absence devient plus légère et la liberté plus grande.
                            L’absence n’est pas qu’un vide, c’est un silence.
Oui, l’absence…
Celle des "amis" qui téléphonent moins parce que « c’est bon signe » disent-ils, c’est la preuve qu’ils « sont mieux dans leur vie » !
Celle des relations éphémères qui respirent un air de liberté sans jamais s’impliquer. Assurément l’absence qui pèse le moins !

La vie est jalonnée de présences vouées, dans l’ordre logique des choses,  à devenir absences : ma mère, âgée, mes chats.
Je n’ose espérer qu’une chose : ne jamais m’absenter de moi-même, la seule absence dont on ne souffre pas, mais la pire des absences. Celle qui fait qu’on n’est plus rien, seulement un vide vertigineux, dans lequel peu à peu, insidieusement, toutes les choses familières deviennent des absences, sans nom…


J’ai essayé de rebondir, à toutes ces absences, de leur donner du sens. Hormis la mort,  inéluctable,  l’absence est une question perpétuelle sans réponse…pourquoi ?
Un pourquoi que l’on porte parfois comme une croix…



                                                                         le 18 octobre 2013


mercredi 25 septembre 2013

Le chagrin


J’ai découvert un jour de fin juin, aux portes de l’été, ce livre dont j’ignorais jusqu’au nom de l’auteur.
Ce gros livre de 734 pages  m’a attirée par son titre « Le chagrin »  et sa couverture, une photo en noir et blanc des années 60 représentant la quiétude familiale d’une maman poussant un landau , accompagnée de deux garçonnets dont l’un la regarde en marchant avec un regard et un sourire pleins d’amour.

Mais, ne nous leurrons pas !

La première phrase attaque, d’entrée :




L'auteur, né en 1949 à Bizerte, Tunisie
Le ton est donné et ne peut qu’inviter à la lecture.
C’est une des œuvres autobiographiques de Lionel Duroy de Suduiraut.
Autobiographiques et thérapeutiques.
Dans cet ouvrage, il raconte son parcours depuis l’enfance, et ce parcours prend un sens particulier quand on voit d’où il vient et où il est arrivé.
Une famille de souche aristocratique, qui commence , au retour de Tunisie, à Neuilly avant de finir dans une HLM de banlieue.
D'expulsions en galères.
Tribulations d’un père qui travaille dur mais dont les revenus s’en vont à vau l’eau, sombrant inexorablement une vie durant devant une épouse insatiable qui vit dans le rêve d’une vie à hauteur des défunts moyens. Elle vit dans son rêve, la réalité la rattrape, la dépasse, elle refuse de la voir. Elle en oublie ses enfants. Et plonge dans l'hystérie. Irritante et pathétique.
Par amour et faiblesse le père s’enfonce dans de rocambolesques tribulations, entraînant dans cette épopée cette quasi douzaine d’enfants, qui se nourrissent de l’amour, de la fantaisie et de la détresse de cet homme touchant. Un père attachant et pathétique qu'on ne peut qu'aimer.La mère met au monde des enfants et des hurlements d’hystérie dont Lionel sortira blessé à perpétuité.


Ce pourrait-être une de ces banales histoires dont fourmille la société de nos jours (la violence, la marginalisation, la déscolarisation, la malnutrition, le manque d’amour maternel, etc…), mais c’était il y a cinquante ans, et au bout du tunnel, à cette époque, brillait encore la lumière, l’espoir.
A bout de bras l’enfant déscolarisé s’en est sorti : il accouche dans tous ses livres de son parcours, de sa souffrance, de son élévation, de son combat, dont le dernier est l’écriture.
Un besoin, plus que ça, c’est vital, c’est son sang qui coule dans ses veines et son cœur qui bat.

"J'aurais adoré être sculpteur. L'écriture, c'est un peu pareil : vous la voyez s'accomplir devant vous, parvenir à formuler ce qui vous brise le coeur. C'est ce qui vous rend votre dignité. La vie est cruelle, notre force est d'en faire quelque chose", » L.D

« Je n'en pouvais plus de souffrir, mais j'aurais été incapable de dire précisément de quoi je souffrais. ça n'avait pas de nom, pas d'histoire, pas de visage, c'était un obscur chagrin qui me broyait le cœur ». L.D

De ce livre, on ne peut sortir indemne ; hormis la mère (quoique...), tous les personnages sont attachants.
Tous embarqués dans un même convoi, avec chacun la tête à la fenêtre pour chercher la goulée d’air salvatrice.

Après ce livre, j’ai lu « Priez pour nous »  qui fut son livre phare, son livre salvateur. Il pensait rallier autour de lui la famille blessée, réparer les souffrances communes et l’effet fut absolument inverse, à sa grande sidération. Une dévastation familiale.

J’ai découvert, par la suite que « Le chagrin » fut écrit 20 ans après « Priez pour nous » .
Je suis heureuse d’avoir commencé par "Le chagrin" car l’histoire, dans ce dernier, englobe le chemin parcouru depuis 20 ans, le chemin de l’homme après une enfance pareille.

Le texte, aussi bien du "chagrin"(récit d'un adulte) que de "Priez pour nous" (récit par la voix de l'enfant), est servi par une plume alerte, vive, acidulée sans être acide, ironique sans être caustique. Lionel Duroy pratique l'art de la dérision voire de l'autodérision. Ce n'est pas un récit, ce n'est même pas une autobiographie, c'est une épopée.
En filigrane se trouve le personnage de la mère. Et avec lui, la douleur, la souffrance, la haine, parfois, mais estompée.
C'est au lecteur de décoder, de s'approprier cette douleur, c'est à lui de la faire sienne selon sa sensibilité, son vécu.
Ce qui sauve ce récit, ces récits, du pathétique ou du réquisitoire, c'est justement que l'élément destructeur, la mère, reste en toile de fond, en filigrane, de façon permanente, mais que c'est le portrait du père qui est en premier plan,  grandi, colorié, magnifié. Car aimé. Somptueusement aimé. C'est au travers de ce père aimant et malmené que se dresse le portrait de la mère.
C'est ce remarquable portrait de père qui donne à l'oeuvre son originalité.
A découvrir absolument!

J’ai continué avec « Le cahier de Turin » et j’ai en projet : « Vertiges », « Ecrire », Trois couples », « Colères ».
Tous issus de son parcours :


« j'ai voulu inventer des personnages. Mais lorsqu'on entre dans la fiction, on ne parvient jamais à dire ce qu'on doit dire. C'est seulement quand on évoque ce que l'on ressent soi-même que l'on arrive à être juste, sur la crête de la souffrance. »L.D

Quand je découvre un auteur je lis toujours plusieurs de ses ouvrages, en suivant.
                                                         



L'auteur


 La lecture du "Chagrin", m'a renvoyée à d'autres lectures sur le thème de la mère, mère -amour ou mère-désamour. Que j'ai lus ou relus.

"Une mort très douce " de Simone de Beauvoir
"Vipère au poing" de Bazin
"L'expression des sentiments "dePatrick Poivre d' Arvor
et le splendide "Jeanne" de Jacqueline de Romilly